Port’o mille couleurs

« Et si je partais de Paris ce week-end ? »
Au cœur de la déprime hivernale, c’est par cette pensée que mon voyage a commencé. Qui ne voudrait pas quitter le stress francilien l’espace de quelques jours ? S’offrir une escapade ensoleillée ? S’envoler à l’improviste vers une destination inconnue ? J’ai donc décidé de faire les trois ! Quelques menues recherches sur internet me font choisir Porto, la capitale du Nord du Portugal. Les horaires des avions correspondent à mon emploi du temps, la météo est favorable et je ne suis jamais allé dans ce pays. Encore mieux : ne connaissant Porto que de nom, je n’ai aucune image en tête, pas d’à priori ni d’attentes particulières. C’est pour préserver ce parfum de mystère que je ne prépare pas du tout le voyage – je réserve un lit dans une auberge de jeunesse, faute d’hébergement en couchsurfing, seulement la veille – contrairement à mon habitude. Et…
…c’est parti !

Vendredi

Arrivé à Porto sur les coups de treize heures, je suis tout d’abord frappé par…un rayon de soleil ! Hourra ! Le temps est magnifique, comme attendu. Je m’engouffre dans le métro, plutôt une sorte de tramway souterrain, ou métro léger, pour en ressortir vingt minutes plus tard à Trindade, la plus grosse station de la ville. En sortant je débouche sur une petite place, et les bonnes surprises se succèdent : pas trop de voitures, de la place pour les piétons, du street art à une trentaine de mètres et un beau bâtiment en face. La ville a l’air intéressante !


Je me dirige ensuite vers l’hôtel de ville depuis lequel je rejoindrai mon auberge de jeunesse. La première impression est confirmée puisque je trouve la ville très agréable, pleine de bâtiments valant le coup d’œil de différentes manières. Je continue depuis Trindade jusqu’à la Praça da Liberdade, la plus grande de Porto. J’ai trouvé la place très intéressante car très allongée et entièrement en pente. C’est là que je commence à vraiment découvrir la ville dans ses différents aspects : touristique, imposant et urbain.
Le lieu est entouré de bâtiments massifs, occupés par des grandes banques et autres assurances. La monumentalité est pourtant interrompue par endroits, là où l’art de rue s’invite. Les anciennes cabines téléphoniques de la ville servent en effet de support à des œuvres d’artistes dont je retrouverai les réalisations un peu partout.


Je me dirige alors vers l’auberge de jeunesse dans laquelle je dormirai et découvre le profil vallonné de la ville. Les rives du Douro, le fleuve qui borde Porto, sont très escarpées et cela se voit très rapidement : une bonne partie des rues présentent un dénivelé très important. Dans la lignée d’un street art omniprésent, je remarque des constructions modernes qui en côtoient d’autres bien plus vieilles avec harmonie, comme ce centre commercial de la Praça de Lisboa coincé entre un bâtiment de l’université de Porto qui date du début du XIXè siècle et le Torre dos Clérigos, une église baroque qui date de la moitié du XVIIIè siècle.
C’est à peine arrivé à l’auberge de jeunesse que je repars explorer la ville, allégé de mes affaires.
Repassant par la Praça da Liberdade, je continue en longeant la gare de São Bento en direction du fleuve et d’un des nombreux ponts qui l’enjambent. Mais avant d’y arriver, plusieurs choses attirent mes yeux.
Une installation d’art contemporain qui fait corps avec un bâtiment abandonné confirme la cohabitation entre modernité et histoire, entre présent et passé qui caractérise la ville à mes yeux. Féru de sport, je ne manque évidemment pas de remarquer les banderoles de soutien au FC Porto, club de football de la ville, dont l’ambiance de son stade est réputée autant que son illustre ex-entraîneur José Mourinho est détesté. Aucun match à domicile n’étant programmé ce week-end, je n’ai malheureusement pas pu vérifier si l’Estádio do Dragão est aussi bouillant qu’on le dit. Toujours à proximité de São Bento, une falaise qui surgit du sol semble rappeler la topographie très particulière de la ville. Enfin, juste avant le pont, j’observe un ensemble de constructions qui oscillent entre l’abandon, le délabrement et le chantier inachevé mais habité. Traces les plus visibles de la crise qui a touché durement le Portugal et de la pauvreté qui s’y est développé, les bâtiments abandonnés pullulent jusque dans le centre hyper-touristique.


C’est alors que je m’engage sur le pont Luís Ier, partagé entre piétons et tramway, m’apprêtant à découvrir ce qui fait la célébrité de Porto : son fleuve, ses ponts et son quartier de la Ribeira.
Je suis immédiatement soufflé par la vue. Le jour tire à sa fin et les derniers rayons de soleil éclairent l’eau et la ville. Les images parlant mieux que les mots…

Après avoir traversé le pont jusqu’à Vila Nova de Gaia, la ville qui occupe la rive Sud du Douro, je reviens du côté portuan du fleuve, non sans avoir filmé le point de vue :

Je me promène alors dans Ribeira, le quartier historique et touristique de Porto, aux rues étroites et escarpées et aux maisons colorées.
Lors de mes vaines recherches d’un hébergement en couchsurfing, Salomé, une étudiante française, m’avait tout de même proposé de me montrer la ville et nous avions échangé nos numéros. Malgré ma timidité, je lui envoie donc un texto en fin d’après-midi pour lui demander si je pouvais me joindre à elle pour la soirée. Grand bien m’en a pris ! En effet, Salomé et plusieurs de ses ami-e-s sont fans de fado, un genre musical donnant la part belle à un chant très mélancolique. Nous sommes donc allé-e-s dans un minuscule bar populaire, ouvert depuis quelques semaines, assister à plusieurs heures de concert fait par les habitué-e-s. Même si je n’écouterais pas du fado sur CD, les quelques heures auxquelles j’ai assisté étaient vraiment magiques. La petite taille du lieu, la promiscuité avec les deux musiciens et avec le/la chanteur/se ou encore l’unité entre les artistes et le public ont contribué à donner une intensité rare à ce moment. Je ne pouvais rêver meilleure immersion dans le Portugal populaire. J’ai enregistré une petite minute de ce concert. Je goûte lors de cette soirée des beignets de morue, spécialité locale, et les trouve très bons.

Anecdote sordido-comique : lors d’une pause du concert, deux chiens se sont subitement mis à hurler pendant de longues minutes sans discontinuer. Après nous être interrogé-e-s sur la raison de cette détresse, nous comprenons en voyant passer de l’autre côté de la rue les animaux en question…coincés en position de coït ! Ils furent délivrés peu après par un portuan, à coup de pieds…
Après le concert, nous décidons d’aller manger une francesinha, la spécialité culinaire portuane. Imaginons qu’un-e cuisinièr-e goûte un croque-monsieur en séjour en France et qu’ille décide de reproduire cette recette de retour à Porto. Problème : ille n’a pas bonne mémoire. Impossible de se souvenir de la viande utilisée ? Ille en met trois différentes, l’une d’elles sera bien la bonne ! Il y avait du fromage ? Ille en nappe, en inonde le sandwich ! Le croque-monsieur n’était pas assez copieux ? Ille ajoute une sauce épaisse qui remplit l’assiette entière ! Et hop, nous avons une francesinha :

Francesinha
Image de José Raeiro – GNU Free Documentation License, version 1.2

Cela donne un plat extrêmement copieux (j’ai à peine fini !) mais comme je les aime ! Enfin pas trop souvent non plus… Surtout que j’avais déjà commencé à me remplir le ventre avec une autre pratique culinaire portugaise : les dizaines de beignets, brochettes et autres apéritifs déposés sur la table par les serveurs/ses, très appétissants et dont je suis friand, mais payants (sans que les client-e-s touristes ne soient toujours explicitement prévenu-e-s !).
Notre tablée était très cosmopolite, à l’image de la ville j’ai l’impression : elle était composée de cinq Français-e-s, un Hollando-portugais, une Grecque et un Portugais ! Nous avons passé une bonne soirée et j’ai quitté cette joyeuse troupe un peu avant minuit pour rentrer à l’auberge et conclure cette belle première journée.

Samedi

Après avoir un peu traîné au lit, je réussis à me lever et pars louer un VTT. J’aime particulièrement visiter les villes à vélo, je trouve que cela permet de s’imprégner de leur atmosphère et de leur architecture beaucoup mieux qu’en transports en commun (le pire étant le métro), et d’explorer une plus grande surface qu’à pied. J’avais déjà pu visiter Rome et Copenhague de cette façon, et cela m’avait bien plu.
Je profite du chemin pour tenter de capter la belle lumière hivernale qui m’a accompagné tout le week-end. Je passe à nouveau devant la gare de São Bento et y rentre afin de voir les fresques qui ornent son hall principal. Pas très convaincu par celles-ci, j’apprécie néanmoins les quais qui semblent engoncés au sein de la ville, et toujours la lumière qui illumine les trains à l’arrêt.
Le magasin de location de vélos se trouvant sur la berge, je me dirige à nouveau vers le pont Luís Ier et descend vers le fleuve par une longue suite d’escaliers bordés par des dizaines de charmantes maisons.

Une fois le vélo enfourché, je décide d’aller jusqu’à l’océan Atlantique en longeant le Douro. Je passe à nouveau dans Ribeira, puis m’engage sur les voies du vieux tramway de Porto, que je croise quelques centaines de mètres plus loin. J’arrive ensuite en vue du Ponte da Arrabida et dépasse les hangars où sont stockées les rames de tram. Après le dernier pont qui enjambe le fleuve commence l’estuaire du Douro, zone protégée où vivent notamment de nombreux oiseaux.

J’arrive enfin sur la côte, et je roule jusqu’au bout de la digue. Je longe ensuite la mer vers le Nord, m’arrête pour grignoter dans un café puis continue jusqu’au Castelo do Queijo, « Château du fromage », un fort qui se dresse sur la plage et borne Porto au Nord-Ouest. Je trouve au pied de ses murs des rassemblements de portuan-ne-s tapant le carton. Ces attroupements m’ont tout de suite intrigué car le milieu urbain français en est totalement dépourvu. Cela rappelle plutôt une sorte de « place du village ». Je retrouve un de ces rassemblements un peu plus loin, à proximité d’une sculpture en hommage aux marins disparus en mer. Je suis entré à Matosinhos, troisième plus grande ville de l’agglomération portuane.

Je suis vite arrivé au port industriel, que j’ai traversé sur le pont basculant, puis ai continué vers les longues plages de Matosinhos, remplies de touristes l’été mais agréablement vides en janvier. La journée touchant à sa fin (le soleil se couche tôt en janvier, aux alentours de 17h30), je retourne à Porto afin de me reposer un peu à l’auberge de jeunesse et de manger un morceau. Danseur de folk débutant (je n’avais participé qu’à un bal depuis la randonnée trad’ de l’été où j’ai découvert ces danses), j’avais cherché la veille si il n’y avait pas un bal de prévu lors de mon week-end. Après avoir écumé la webosphère folk portugaise, j’étais tombé sur un bal organisé au sein du conservatoire national de Porto par certain-e-s de ses étudiant-e-s. En revenant de Matosinhos j’hésitais encore à y aller. Timide de nature, j’appréhendais d’autant plus ce bal que j’étais débutant, seul et dans un milieu non francophone !
Après avoir dévoré un kebab (bien meilleur et moins cher qu’en France), je me suis dirigé vers le conservatoire. J’ai tourné autour pendant une vingtaine de minutes avant de me décider à entrer ! Et à la caisse, avant d’entrer :
– Hello, it’s 6 euros. May I ask you how did you know this event ? Oh, by Facebook. Are you student here ?
– No, I’m student in Paris.
– Are you in Erasmus ?
– No, no, I’m in Porto for the week-end.
– Oh…ok, that’s…ah mais attends, tu viens de me dire que tu venais de Paris et je continue à te parler en anglais !

Coïncidence heureuse, l’organisateur du bal était belge et parlait français ! Ça m’a beaucoup soulagé et détendu, on a pas mal discuté et il m’a présenté une…parisienne (d’origine) en Erasmus à Porto ! J’ai passé une très bonne soirée grâce à elleux deux. Le bal a commencé avec une heure de retard, mais il paraît que c’est le Portugal qui veut ça. Perpétuel retardataire, cela me convient parfaitement ! Après la fin du passage du groupe le bal a continué en branchant un ordinateur aux enceintes, et a fini vers 4h du matin par un bœuf dans lequel les musicien-ne-s jouaient au centre des danseurs/euses…tout simplement magique !

Une réflexion sur “Port’o mille couleurs

  1. Cooool ! J’adore les details sur la nourriture :p le fado ça me donne bien envie !
    Ah et bien envie aussi de me faire quelques villes avec toi en WE quand je reviens, Idrissa 😉

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